Nos anciens commerces

Ils ont quarante ans ou plus et affichent une santé insolente. Dans cet article, on vous propose de faire le tour de ces petits commerces intemporels qui font l’âme de nos quartiers. Demain – quand l’ère de la « concurrence mondialisée » ne sera plus qu’un vague et lointain souvenir -peut-être seront-ils toujours debout. Qui sait? Longue vie à eux.

1. La distillerie Fovel (1869)

Militaire originaire d’Hasselt, Joseph Fovel s’installa à Schaerbeek en 1864. Cinq ans plus tard, il y fonda sa distillerie, au numéro 69 de la rue Thiéfry. C’est aujourd’hui son arrière-arrière-arrière petit-fils – Thierry Fovel – qui gère l’entreprise. Les principaux produits de la « Maison Fovel » sont le Genièvre de Bruxelles, la liqueur Grand-Place (une liqueur à l’orange créée à l’occasion du millénaire de la ville de Bruxelles) et la traditionnelle Griotte de Schaerbeek.

2. Le Café « Aux trois Rois » (1875)

« Aux Trois Rois’ est un des plus anciens cafés de Bruxelles (Chaussée de Haecht, 371). Etabli dans un ancien relais de poste – édifié en 1722 – il est devenu, à la fin du 19ème siècle, le lieu de prédilection de Pogge – héros populaire schaerbeekois. Un cercle d’admirateurs – baptisé « Les Amis de Pogge » – s’est formé autour de ce personnage , à partir de 1875, s’est maintenu après son décès en 1890, et a perduré jusqu’au début du vingtième siècle. Ce café – à la décoration pittoresque – n’ouvre que (très) rarement. Des concerts et spectacles y sont parfois organisés à l’occasion du désormais traditionnel « Alles es just ».

3. Lochten, le négociant en bois (1880)

En 1880, un jeune limbourgeois du nom de Jean-Mathieu Lochten pose ses valises à Schaerbeek, rue des Coteaux, avec pour intention d’y lancer un commerce de bois. A l’époque, Schaerbeek n’est encore qu’une petite bourgade entourée de champs et et de coteaux de vignes. A partir de la fin de XIXème siècle, la petite entreprise prospère. Arrivé à l’âge de la retraite, Jean-Mathieu cherche à passer la main à un ses trois fils : Henri, François et Louis. C’est finalement son fils Henri qui développera le commerce paternel, ainsi que son petit-fils : le jésuite Jean-Mathieu Lochten (troisième génération) qui reprend le négoce après le décès de son frère en 1968. Il introduira dans la culture de l’entreprise une philosophie nouvelle, plus sociale, en engageant notamment des jeunes en difficulté au sein de son personnel. Quelques années après son départ de l’entreprise – en 1993 – la Maison Lochten fusionne avec la Maison Germeau, l’éternel concurrent de la rue Bara, située dans le quartier du Midi.

4. Le glacier Cocozza (1902)

1902. Orazio Cocozza est un jeune homme de milieu modeste, originaire de la province de Frosinone, au sud de Rome. En 1902, il décide avec son épouse de quitter l’Italie et d’aller faire fortune en Amérique. Ils attendent un enfant, Pierre, qui naît lors d’une escale en Angleterre. Orazio et son épouse se ravisent : ils abandonnent leur rève americain, et choisissent de rebrousser chemin de s’installer en Belgique, à Etterbeek, près de la rue du champ de Mars. Comme il manque de moyens, Orazio cumule deux métiers : poissonnier l’hiver et glacier l’été. En 1966, son petit fils Raymond reprend les affaires et s’installe en tant que glacier au numéro 126 rue des Pâquerettes, à Schaerbeek. En 1997, les enfants de Raymond et arrière-petits-enfants d’Orazio – Nathalie, Brigitte et Frédéric – quittent le 126 de la rue des Pâquerettes pour s’installer au numéro 8 de l’avenue des Azalées, devant une des entrées du Parc Josaphat.

5. La buvette « Sint-Sebastiaan » (1904)

La buvette du club d’archers « Sint-Sebastiaans » a été créée en 1904. Les murs du café sont recouverts de photos d’archers et d’assiettes commémoratives qui rappellent la longue histoire de la Gilde Sint-Sebastiaan (créée en 1598). En 2015 – après plus de quarante années passés entre le comptoir et la plaine de tir – Paula et Léo décident de passer la main au jeune brasseur Bernard Leboucq, membre du club et co-fondateur de la Brasserie de la Senne. Une foule d’activités y sont aujourd’hui organisées : apéro-jeux, ciné-club, concerts … et la désormais incontournable « Fish Friday Party ».

6. L’entreprise de travail adapté, rue de Latour (1938)

L’ONA (Oeuvre Nationale des Aveugles) s’est installée dans le quartier Dailly dans les années 1920, sous l’impulsion du père Agnello. En 1938, elle installe une entreprise de travail adapté au numéro 75 de la rue Albert de Latour, à Schaerbeek. ONA entreprise a aujourd’hui changé de nom : elle s’appelle Citeco et engage une vingtaine d’ouvriers qui – atteints de déficience visuelle ou d’autres types de handicaps – font (re)vivre des métiers aussi divers que le cannage, le rempaillage de chaises, la reliure, le cartonnage et le travail de jardin.

7. L’épicerie Leroy (1944)

C’est parait-il la plus vielle épicerie de Schaerbeek. Elle a été lancée au lendemain de la guerre par la famille Leroy. Aujourd’hui, ce sont les deux frères – Jacques et Serge – qui tiennent la boutique. Le quartier a fort changé depuis les débuts : un carrefour Market – du groupe Meysdagh – s’est implanté à 50 mètres de l’enseigne familiale, mais les frères Leroy n’en n’ont pas pour autant perdu leur clientèle. « Je vais toujours chez eux, même si je sais que certains produits sont parfois quelques centimes plus chers » confie une voisine. « Si on n’est pas solidaire de ces petits commerces de quartier, ils disparaitront et se retrouvera face à des enseignes sans âme dont le seul but est de faire de l’argent ».

Leroy

8. Angelopoulos, l’épicerie grecque (1969)

Katarina et Christos ont quitté leur Grèce natale au début des années 1960. Christos a travaillé à la mine pendant quelques années. Puis, le jeune couple s’est marié et a décidé de changer de cap, de s’installer en ville – à Bruxelles – en de lancer en 1969 une petite épicerie d’alimentation générale et de spécialités grecques. Le commerce existe toujours : il se trouve au croisement de la rue des Coteaux (n°228) et de la rue Henri Villard. Aujourd’hui, Christos et Katarina continuent à tenir la boutique et à faire les marchés, avec l’aide de leurs enfants et petits-enfants.

 

9. Angelo Tirone, le cordonnier italien (1975)

C’est un des commerces les plus charmants et les plus attachants de la capitale ! Dans les années 1930, Angelo Tirone quitte sa Sicile natale avec ses parents pour s’installer en Belgique. Au milieu des années 1970, Angelo lance sa cordonnerie-serrurerie sur place de la Reine à Schaerbeek. Quarante ans plus tard, il est toujours là : nonante-deux ans, sourire rayonnant, enthousiasme intact. Son secret d’éternelle jeunesse ? C’est l’Opéra. Je vous recommande cet excellent petit reportage de Stefano Lapasini …

 

10. La Boucherie Chafaoui (1976)

Elle a été lancée par le père de Mohammed Chafaoui il y a de cela quarante ans, au milieu des années septante. Aujourd’hui, c’est sans conteste une des meilleures boucheries de Schaerbeek : de la viande de qualité à prix très démocratiques et un accueil chaleureux… La magasin se situe au numéro 340 de la rue Josaphat, non loin de l’école n°1.

11. Le Petit Restaurant

Au croisement de l’Avenue Diamant et de l’avenue de l’Opale, se trouve un petit restaurant de quartier, tenu par le même patron depuis les début des années 1980. Le décor n’a pas changé depuis : quelques petites tables en bois permettant d’accueillir une douzaine de personnes, un bar recouvert d’affiches et de photos d’époque, un accueil chaleureux et décontracté, une petite ambiance bien belge et, pour ne rien gâcher, une cuisine à prix démocratiques. Le patron de l’établissement est plutôt sympa, quoique un peu bougon au premier abord. C’est lui qui assure la cuisine et le service. Le One-Man-Orchestra de la restauration.

DSC_3208

Une pensée émue pour le « New Epsom Di Roberto », cet excellent restaurant italien au charme désuet, installé dans un vieux manoir du Boulevard Lambermont et qui a malheureusement du fermer ses portes, fin 2015.

 

Comments

  1. Clément Deshayes

    Bonjour Mathieu,
    Bravo pour ce chouette article. Je voulais juste te signaler qu’un lien ne fonctionne pas, celui pour agrandir la photo de Paula & Léo, les anciens propriétaires de La buvette Sint-Sebastiaan: http://www.ezelstad.be/leo-paula/
    A plus tard,
    Clément

Leave a Reply