Acheter c’est voter

Lundi passé, je suis sorti du supermarché avec mes courses de la semaine, puis jetant un bref coup d’oeil à mes achats,  je me suis senti comme un électeur négligent au sortir de l’isoloir : avec le sentiment d’avoir voté « parce que je n’avais pas le choix », sans savoir pourquoi, sans savoir pour qui, pas certain d’avoir fait un geste constructif, en un mot, pas fier.

Et, là, j’ai repensé à toutes les fois où je suis sorti de ce supermarché, pressé, avec les sacs remplis de produits foireux : la vérité, c’est que je ne me sentais pas responsable des conditions dans lesquelles ces produits avaient été fabriqués. J’avais payé, je m’étais acquitté de ma dette. De retour à l’appartement, je pouvais déballer mes achats en écoutant un reportage radio relatif à l’emploi des pesticides en agriculture. Je trouvais ça moche. J’étais révolté. Mais, « pas responsable ». « Agriculteur c’est pas mon boulot ».

J’étais comme l’électeur négligent et désabusé qui vote pour des gens dont il sait qu’ils vont échouer dans leur mission. Le mec pour qui le produit politique est d’abord désirable, puis décevant, puis trompeur, puis méprisé. « Ah les salauds. C’est moche la politique ». On est révoltés. Pas responsables. Homme politique c’est pas notre boulot…

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Que ce soit en matière d’alimentation ou de politique, c’est bien de pouvoir déléguer ses problèmes à d’autres. Mais, ça ne marche évidemment que si le délégué parvient à les régler. Or, on fait trop souvent confiance à des gens dont on ne cherche même pas à savoir s’ils disposent des moyens de mener leur tâche à bien. C’est le cas avec les acteurs de l’agriculture conventionnelle : on a fait confiance à un système de production dont on se doute qu’il ne peut pas durer.

Depuis quelques années, je vois se développer des mouvement locaux (tels que les mouvements potagers et les GASAP) qui me poussent à changer ma façon de penser et de consommer : est-ce qu’on se satisfait de la façon dont marchent les choses dans le milieu de la grande distribution ou est-ce qu’on reprend certaines activités en main en tentant de recréer des liens entre consommateurs et producteurs d’alimentation  ?

Les acteurs de la grande distribution (Colruyt, Delhaize et Carrefour) l’ont aussi vu se développer, ce discours autonomiste et localiste. Ils ont donc exploité ce créneau  en développant, chacun, leur propre gamme de « produits locaux oubliés » ou de produits certifiés « bio ». Principal problème : puisque la vente de ces produits est soumise aux mêmes exigences de rendement que la vente des produits issus de l’agriculture conventionnelle, la qualité est inégale.

Il y a au moins quatre autres options :

(1) la récup’ alimentaire : récupérer des légumes issus de l’agriculture conventionnelle et voués à la destruction ou l’incinération.

(2) les potagers urbains : faire pousser ses légumes soi-même. C’est souvent plus symbolique qu’alimentaire, mais ça marche

(3) les groupes d’achat solidaires de l’agriculture paysanne (GASAP) : Un GASAP est un groupe de citoyens qui s’associe avec un producteur pour lui acheter de façon régulière des produits de saison de qualité : des légumes, mais aussi des fruits, du fromage, etc. Des agriculteurs parviennent ainsi à court-circuiter le système de la grande distribution.

(4) les épiceries : elles se sont très fortement développées ces dernières années. A Bruxelles, on en compte près de quarante. Principal problème de ces épiceries : il leur est difficile d’aligner leur offre sur les prix de la grande distribution, et lorsqu’elles y parviennent c’est souvent au prix d’un léger alignement sur le « bio industriel« .

 

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par Mathieu

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