Bruxelles, ville hospitalière ?

Bruxelles c’est pas forcément ce qu’on peut appeler une destination de rêve. De l’avis de tous, sa principale richesse, la seule chose qui puisse la rendre « attrayante », c’est son hospitalité (et la diversité qui en découle). Or, cette toute petite chose qu’elle détient, elle est peut-être en passe de la perdre …

Bon, même s’il est vrai que la capitale belge a fait preuve de beaucoup de bonne volonté lorsqu’il s’est agit d’accueillir cette vague de migrants qui – poursuivis une horde de contrôleurs fiscaux, couteaux aux dents – avait cruellement été jetée sur les routes de l’exil. Et puis, quelle tolérance, quel amour de l’altérité n’a-t-il pas fallu pour accueillir cet homme, Bernard Arnault : freedom fighter du CAC40, injustement traité de terroriste fiscal.

Bien sûr, nous le savions, aucune ville, aucun pays d’accueil ne pouvait faire preuve de tant d’hospitalité et d’amour du prochain sans en payer le prix fort. C’est pourquoi nous dûmes, la mort dans l’âme, mettre un frein à notre compassion naturelle et refuser l’asile à ces milliers d’autres hommes et femmes qui, comme Bernard, vinrent frapper à notre porte.

 

Les mauvaises langues diront que les gens que les pouvoirs publics refoulent aux frontières ont pour point commun d’être misérables, alors que Bernard Arnaud ne l’est pas. Eh bien, c’est faux. Bruxelles – cosmopolite, métissée et ouverte à tous – continue d’accueillir aussi bien de très grands spéculateurs immobiliers, très très riches, que de très petits travailleurs très très misérables. Voilà. Après tout, c’est une certaine conception de l’hospitalité : le « vivre ensemble » entre les requins et les sardines, ou entre les gens qui ont tout (et qui en veulent quand même plus) et ceux qui n’ont absolument rien (et qui vont peut-être quand même finir par se le faire ôter).

 

Crise du logement en RBC

Crise du logement en RBC

Plus sérieusement …

Oui. Plus sérieusement : les pouvoirs publics bruxellois mènent une politique consciente de refoulement de la pauvreté hors de la ville.  En région bruxelloise, on ne compte aujourd’hui que 8 logements sociaux pour 100 ménages. Sept fois moins qu’à Amsterdam ou à Rotterdam. Beaucoup de Bruxellois se retrouvent donc contraints, soit de payer un loyer abusif dans le « parc immobilier privé », soit carrément de quitter Bruxelles, ou de se retrouver à la rue. À Schaerbeek et à Anderlecht, la situation est pire : 4,5 unités de logement social pour 100 ménages. La Région pourrait limiter les dégâts de ce manque de logements publics bon marché par une simple mesure d’encadrement des loyers du parc privé, semblable à celles qui ont été adoptées dans de grandes villes néerlandaises ou françaises. Elle s’y refuse.

 

Résultat : le nombre de sans-abris a doublé à Bruxelles en l’espace d’une décennie. Cette hausse de l’extrême pauvreté n’est pas une conséquence naturelle de « la crise »; mais le résultat du profond mépris de classe qui règne au sein de l’administration publique. L’affaire du Samusocial est aujourd’hui là pour le rappeler. Symbole de cette politique de refoulement de la pauvreté en dehors de la ville : l’image de ces logements sociaux inoccupés et dont les portes d’entrées ont – comme ici, rue L’Olivier – ont été murées afin d’empêcher que des squatteurs y élisent domicile.

 

Certains projets issus de la société civile participent toutefois à endiguer ces maux, et à créer des niches d’hospitalité dans cette ville à la dérive. Voici quelques exemples récents. En 2017, l’ASBL l’Îlot a lancé le projet HOME for LESS, en collaboration avec l’armée du Salut, des étudiants de La Cambre-Horta. Le but : réhabiliter des espaces inoccupés au bénéfice de personnes exclues du logement. Simultanément, Samenlevingsopbouw vzw développait sa WoonBox (Logi’Box) : un espace modulaire de 2 ou 3 chambres, destiné à occuper les espaces de bureaux vides. Le loyer de la WoonBox revient à 250 et 350 euros par mois.

Crédit Photo : Home For Less

Dernière petite précision importante, qui concerne l’accueil des personnes les plus précaires de toutes : cette année, le CNCD lance la campagne « commune hospitalière » (menée sur le modèle des communes « hors-TTIP »). Une commune hospitalière, qu’est-ce que c’est ? C’est une commune qui par le vote d’une motion devant le conseil communal s’engage à améliorer l’information et l’accueil des sans papiers et des demandeurs d’asile qui se trouvent sur son territoire, à leur faciliter les démarches et à les aider à faire respecter de leur droits, tout en sensibilisant le reste de sa population aux questions migratoires.

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