Le 10 décembre 2015, la SAF – la société publique qui est aujourd’hui propriétaire du site Josaphat – organisait une soirée de présentation du plan directeur du futur quartier Josaphat, à la limite entre Schaerbeek et Evere. Voici un petit compte rendu de ce qui y a été dit …
La séance d’information s’est tenue dans le grand chapiteau de la compagnie des Nouveaux Disparus, à l’extrémité Sud de la friche Josaphat. Étaient présents : une centaine de riverains des quartiers alentours qui s’étaient déplacés pour en savoir davantage sur le projet. Face à eux, Marie Van Hamme de la SAF, Benoit Morritz qui représente le bureau d’étude SMA chargé de la réalisation du plan directeur, le bourgmestre de Schaerbeek, Bernard Clerfayt et le ministre-président de la Région (et bourgmestre empêché d’Evere) Rudy Vervoordt. Après un petit mot introductif des édiles locaux, Benoit Morrtiz a résumé le contenu du plan directeur.
Le projet, tel qu’il est aujourd’hui conçu par le bureau d’étude, prévoit la construction d’un « nouveau quartier urbain, mixte et durable », avec des équipements collectifs – crèches, écoles et salle de sport – des entreprises et des unités de logement. Pour illustrer le caractère « durable » du projet, les intervenants ont souligné sur le fait que chaque bâtiment serait équipé d’un système de récolte d’eau de pluie, compensant ainsi les conséquences indésirables de l’imperméabilisation du site. Ce que les intervenants n’ont pas dit, c’est que ce « choix durable » est en fait une obligation légale pour tous les nouveaux bâtiments construits en région bruxelloise. Le bureau ARIES a enfin présenté son rapport d’incidence sur l’environnement (RIE) : gabarits, ombrage, nuisance sonores, qualité de l’air etc.
Pour faire court : le projet de quartier, tel qu’il se dessine aujourd’hui, c’est un quartier assez dense – avec des bâtiments allant de rez+3 (en bordure du site) jusqu’à rez+8 (le long de la voie ferrée) – et une place résiduelle laissée aux espaces verts : quatre hectares, sur les 25 hectares de friche que compte aujourd’hui le terrain. Parmi les membres de l’assemblée, deux membres de Natagora expriment le souhait que l’on laisse au minimum la nature reprendre ses droits sur les talus ferroviaires.
« Une petite solution – pour garder une partie de la biodiversité – serait de faire un talus de quelques mètres pour éviter que les bruits ne viennent gêner les gens qui sont dans les immeubles. Et, laisser ce talus sauvage. Et, ce serait très intéressant en plus, pour les enfants des écoles, qui verraient ce que c’est que de la nature qui revient d’elle-même, toute seule, sans qu’on l’aie semée ou introduite »
Sur les 1839 nouvelles unités de logements, il est prévu que 44% soient publiques et 56% privées ; ce qui fait respectivement 809 et 1030 unités. Les six dixièmes du parc de logement public – soit environ 485 logements, locatifs pour la plupart – seront destinés aux « revenus sociaux ». Les quatre dixièmes restants s’adresseront à un public disposant de revenus modérés et moyens. Quant aux unités de logement privés, elles seront à vendre en « entrée de gamme » à partir de … 2550 EUR du mètre carré. Le projet prévoit enfin une part de logements de standing, à 3100 EUR du mètre carré. Ces chiffres suffisent à montrer – pour ceux qui en douteraient encore – que l’objectif de ce projet n’est pas d’offrir une réponse adaptée à la « crise du logement ». « A partir de combien d’unités, estimez-vous que le projet est rentable ? » ironise un membre de l’assemblée.
Une autre crainte importante au sein de l’assemblée : les répercussions négatives du projet en matière de mobilité. Le pont De Broeck et les avenues Conscience et Gilisquet sont déjà saturées par la circulation automobile. « Qu’en sera-t-il lorsque le quartier accueillera 4000 âmes de plus ? » La ligne SNCB, peu désservie, aura-t-elle une utilité pour les habitants? La ligne 7 saturée, la STIB prévoit-elle d’améliorer la déserte des rues avoisinant le futur quartier ? En réponse à cette dernière question, Mme Van Hamme (SAF) rétorque : « Si on amène des habitants en plus, on a des arguments face à la STIB pour obtenir des améliorations de fréquences ».
Le projet du quartier Josaphat prévoit la création de deux routes carrossables qui traverseront le site du nord au sud, avec des points d’accès au niveau du boulevard Wahis, de l’avenue Latinis, de l’avenue Gilisquet et du pont de Broeck. Mais, ce choix est lui aussi contesté. Un membre de l’assemblée se demande pourquoi la Région ne cherche pas à faire de ce « Quartier Josaphat » un quartier zéro carbone, en maintenant la circulation auto en périphérie du site ; ce à quoi M. Van Hamme répond que ce qu’on gagne en terme de qualité de vie à l’intérieur du quartier, on le perd en termes de mobilité dans les rues avoisinantes : « il n’y a pas une solution qui est bien, un autre qui est moche ».
Quid pour la suite ? Eh bien, il n’y a pas beaucoup d’information disponible sur le projet à l’heure actuelle. Un « appel a projet citoyen » devrait (en principe) être lancé par la SAF en début d’année. Parallèlement, le projet de schéma directeur devrait être soumis à l’enquête publique, d’ici le printemps 2016. Il sera également soumis aux administrations compétentes et à la commission régionale des développements. Le projet – amendé en fonction des remarques des personnes et institutions consultées – passera enfin devant le gouvernement en vue de son adoption. La première phase des travaux pourrait ainsi débuter. Mais, il y a encore un grand flou qui règne au niveau des dates : 4 ans, 5 ans, 6 ans, 7 ans ?
Quelques liens
- Fiche du projet sur le site de l’ADT
- Pour Steven Van Garsse, de Brussel Deze Week, le projet qui fait « primer la quantité sur la qualité » montre que le gouvernement Bruxellois reproduit les mêmes erreurs que lors du boom des immeubles de bureaux à partir des années 1960.
- Un collectif baptisé « Commons Josaphat » cherche à convaincre les autorités publiques de la nécessité d’adopter un modèle de gestion du site en « bien commun ». Ses idées se trouvent rassemblées dans une « proposition citoyenne » que voici.
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