Les lobbies de l’armement @BXL

Qualifier Molenbeek de « source du terrorisme » comme cela a été fait la semaine dernière c’est un peu comme qualifier le Quartier européen de « quartier de la petite délinquance ». On se dit qu’il doit y avoir un malentendu quelque part. Petite clarification : en région bruxelloise, le stigmate de « quartier de la délinquance » revient bien à Molenbeek. Tandis que celui de « quartier du terrorisme en col blanc » revient … au quartier européen.

Les membres de Vredesactie ont voulu le rappeler lundi dernier, devant l’Agence de Défense Européenne (EDA), située au 17-23 avenue des drapiers. Cette agence – créée en 2004 à la demande de fabricants d’armes (BAE, EADS et Thales) – encourage aujourd’hui les dépenses publiques en matière d’armement … et l’exportation d’armes à destination de divers pays, dont certains ne sont pas exactement ce qu’on pourrait appeler des « amis de la paix ».

Lundi dernier, se tenait la conférence annuelle de l’EDA. Une trentaine de militants de Vredesactie y ont mené une action de protestation contre les politiques de renforcement de l’industrie de l’armement en Europe. Leur message : les politiques laxistes de l’UE en matière d’exportation d’armes n’ont fait jusqu’à présent qu’alimenter et aggraver les conflits sanglants, ceux-là même que les édiles nationaux et européens condamnent auprès de leurs opinions publiques. Des armes européennes se retrouvent aujourd’hui en Syrie, en Lybie et dans presque tous les grands conflits armés à travers le globe.

Le 16 novembre, l’action de Vredesactie aurait pu passer complètement inaperçue. Seul « De Wereld Morgen » a jugé bon d’y consacrer un article détaillé et un billet d’opinion. Il a été question qu’un journaliste de l’agence Belga se déplace, mais le sujet a finalement été jugé … non-prioritaire.

 

Deux jours plus tard, je rencontre Bram Vranken – porte-parole de l’association Vredesactie – dans un café du quartier européen, place du Luxembourg. Il m’explique que les objectifs de la campagne « I Stop Arms Trade » (Vredesactie) sont de mettre à jour les stratégies des industriels français (EADS, Safran), britanniques (BAE Mechanics), italiens (Finmeccanica) ou belges et de montrer le type de relations qu’ils entretiennent avec les « policy makers« .

« La conférence de l’EDA, c’est un évènement très informel. Il se rencontrent et ont une discussion. Il y a un sentiment informel, d’entre-soi, lors de ces rencontres. Et c’est quelque chose qu’on essaie de perturber. Et, il est bon de leur rappeler qu’ils sont vus » (B. Vrancken, interview du 16 novembre 2015)

Depuis 2002, les exportations d’armes européennes montent en flèche. En 2012, elles représentaient 40 milliards d’euros, contre 20 milliards dix ans plus tôt. Le libéralisation du marché a été facilitée par une directive européenne de 2009, qui a rendu plus facile pour les entreprises d’exporter leur équipement militaire d’un pays à l’autre de l’Union. Les circuits d’exportations se sont ensuite dirigés vers les pays de l’Union, comme la France, dont les réglementations étaient les plus libérales, plus laxistes.

Au bout de la route se trouvent parfois des régimes violents, lesquels parviennent sans difficultés à remplir leurs carnets de commandes avec des armes conventionnelles européennes. En 2012, sur les cinquante pays qualifiés d’autoritaires par l’Economist Intelligence Unit, il est apparu que quarante-trois pays détenaient du matériel issu de l’UE. Le deuxième plus grand importateur d’armes européennes est enfin l’Arabie Saoudite, une amie de l’occident … qui commet des crimes de guerre à grande échelle au Yémen.

 

Pour la petite anecdote : au terme de l’intervention de lundi dernier – lorsque la brigade de police a conduit les manifestants de Vredesactie dans les bureaux de la zone de police Montgomery – la femme de ménage leur a demandé la raison de leur arrestation. Ils ont juste eu le temps de lui expliquer que c’était dans le cadre d’une manifestation contre les commerçants d’armes. « Vous avez arrêté les mauvaises personnes » a-t-elle conclu. J’adore cette femme.

Si vous êtes intéressé(e) par une petite excursion dans le monde schizophrène des vendeurs d’armes bruxellois, bloquez la date du 13 mars 2016 à l’agenda. Vredesactie organisera – à Bruxelles – son traditionnel « Lobby tour ».

 

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Mathieu Simonson

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