Le futur du quartier Reyers : mediapark.brussels

La Région de Bruxelles-Capitale prévoit de réaménager le quartier Reyers pour en faire un grand « pôle média » : profiter de la position stratégique de ce quartier pour lui donner la stature internationale (qu’il n’a pas) et pour contrer l’influence des villes voisines, Malines et Vilvoorde, qui cherchent elles aussi à attirer vers elles les entreprises médiatiques de Bruxelles. Mais, comment ce projet prendra-t-il racine dans le tissu urbain local ?  …

 

1. Reyers, un quartier fermé

Les Bruxellois connaissent mal le quartier Reyers. Et pour cause : en plus d’être enclavé entre trois grands axes routiers – la E40, la chaussée de Louvain et le boulevard Reyers – le quartier est en majeure partie grillagé, propriété des services de télévision publique (19,6 hectares). Ce quartier comprend notamment une large surface boisée, plus grande que le parc Léopold (8 ha), uniquement accessible au personnel de la VRT et de la RTBF.

Le parc du site Reyers (Google Earth)

Le parc du site Reyers (Google Earth)

Depuis quatre ans, le schéma directeur Reyers – dont l’élaboration a été confiée en 2008 à BUUR et STRATEC – prévoit un réaménagement de ce site en “pôle média” (ou “mediapark”). L’ambition du projet étant de transformer ce site fermé, cloisonné, en rupture avec le tissu urbain, en un véritable quartier urbain ouvert et accessible : un pôle média attractif, pour accueillir des entreprises médiatiques, mais également des logements, des commerces, des infrastructures publiques et des centres de formation.

Le Schéma Directeur initial – approuvé par le gouvernement bruxellois en novembre 2010 – prévoit par ailleurs que six des huit hectares de parc soient rendus publics, que la rue Colonel Bourg et la chaussée de Louvain soient réaménagées et que la fin de la E40 soit transformée en boulevard urbain.

“Au travers d’interventions stratégiques, le Schéma Directeur a pour objectif de trouver un juste équilibre entre les différentes activités du quartier et de mieux intégrer celles-ci au sein du contexte urbain bruxellois afin de sortir le quartier de son isolement et de lui procurer une meilleure visibilité et une meilleure connexion avec son contexte immédiat”. (source)

 

2. Un quartier ouvert… à quoi ?

Le Schéma Directeur – revu en 2012 – répond à la volonté de la Région de protéger et de développer le secteur médiatique bruxellois (face à la concurrence de Malines et Vilvoorde) et de donner à Reyers une stature internationale. Il répond également au souhait de chacune des deux chaînes de radio-télévision publiques (VRT et RTBF) de restructurer leurs installations : “modernisation”, “rationalisation de l’espace”, mais aussi “économies”. La RTBF – qui traverse d’importants problèmes de financement – cherche en effet à renflouer ses caisses par différents moyens, et notamment par la vente de certains de ses bâtiments et de ses terrains.

Schema-Directeur-Reyers - copie

Le schéma directeur Reyers se décompose en 5 grands projets

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En réponse aux nouvelles stratégies immobilières de la VRT et de la RTBF , une étude de définition urbaine et programmatique (2012) a été proposée, et le Schéma Directeur initial a été réactualisé. En décembre 2013, les 4 parties de la maîtrise d’ouvrage (la Région, la Commune de Schaerbeek, la VRT et la RTBF) ont signé une Convention d’aménagement qui définit les objectifs d’aménagement et le programme constructible.

Cette convention prévoit que site soit entièrement reconstruit :  les 189.000 m² dévolus aux sièges des télévisions publiques (VRT, RTBF) n’occuperaient plus que 95.000 m² (55.000 m² pour la VRT et 40.000 m² pour la RTBF). Les deux chaînes devront donc se partager environ 21% des 425.000 ou 450.000 m² de potentiel constructible. Le reste servira à accueillir d’autres entreprises médiatiques (9%), des logements (55%), des commerces (10%) et des équipements publics (5%).

« En 2012, la VRT – qui menait auparavent une politique de rénovation de ses bâtiments – a décidé d’arrêter toute nouvelle rénovation et de construire un nouveau siège, un nouveau bâtiment… soit sur leur site à Schaerbeek, soit ailleurs à Bruxelles ou en dehors de Bruxelles. Ils avaient lancé une procédure de dialogue compétitif pour trouver un promoteur qui pouvait leur proposer un terrain où construire leur nouveau siège. (…) En parallèle, sous l’impulsion du Bouwmeester flamand (conseiller de la VRT), l’ADT a réuni les acteurs impliqués dans une série d’ateliers pour actualiser le schéma de directeur de 2010 » (Ann De Cannière, ADT-ATO, interview du 4 novembre).

Aujourd’hui, de grandes entreprises médiatiques se retrouvent déjà concentrées dans le quartier Reyers (VRT, RTBF, Arte, BeTV, Rossel, RTL-TVi). Dans les prochaines années, elles seraient rejointes par (1) d’autres acteurs médiatiques, comme Télé Bruxelles, et des acteurs du secteur de la publicité, de l’entertainment et de l’ICT, (2) des structures d’enseignement, de formation, de développement et da recherche, et (3) des structures soutenues par les pouvoirs public, comme – par exemple – un incubateur pour les petites entreprises qui voudraient louer des espaces à bas prix pour développer leurs nouveaux projets. L’ADT cherche aujourd’hui à mettre en place un cluster qui intègre ces trois dimensions (“triple helix“) à l’intérieur du mediapark.brussels.

Parallèlement, les co-propriétaires du site – la VRT et la RTBF – tendent également à privilégier les fonctions qui assurent une bonne rentabilité. Dans cette optique, ils ont un intérêt à privilégier – sur le site Reyers – le développement des surfaces commerciales. Dans la Convention d’aménagement les quatre parties ont convenu que 10% du site soit consacré aux commerces ; ce qui correspond à une surface de 42.000 à 45.000 mètres carrés. C’est davantage que City2. Après les projets controversés de Docks (52.000 m2), Neo (70.000 m2) et UPlace (81.000 m2), faut-il s’attendre à un quatrième projet de centre commercial dans le nord de Bruxelles ?

Cette question reste aujourd’hui en suspens : les quatre maîtres d’ouvrage ont toutefois lancé une étude de marché pour examiner le potentiel commercial de mediapark.brussels et y développer des scénarios de « programmation commerciale ».

Créer 40.000 mètres carrés de surface commerciale sans reproduire les erreurs que Néo, UPlace et Docks ?

 

3. Un quartier ouvert à qui ?

La Région doit créer de nombreux de logements, afin de faire face à l’accroissement démographique. Le Schéma Directeur Reyers prévoit que 55% du potentiel constructible de mediapark.brussels soient consacrés aux logements.

Quelle proportion de ces 55% sera dédiée aux logements publics à bas coûts, et quelle proportion aux logements privés, quelle proportion aux logements de standing ? Pour l’instant, ces questions restent également en suspens. Les responsables du projet au sein de l’ADT expliquent qu’ils souhaitent prendre le temps d’évaluer le type de population qu’ils souhaitent attirer dans le quartier.

« Les 4 maîtres d’ouvrage mènent actuellement une étude de programmation plus détaillée, justement, pour définir – dans tous ces logements – combien de logements seraient publics (conventionnes ou sociaux), combien seraient privés, et quel type de ménages ou quel type de public on veut attirer dans ce quartier ». (…) Il y aura une « étude d’impact » avec une volet socio-économique qui définit quel type de population on veut attirer dans ce quartier » (Ann De Cannière, ADT-ATO, interview du 4 novembre).

L’équation va être difficile à résoudre : la Région doit à la fois retenir sa classe moyenne, qui tend encore et toujours à quitter Bruxelles pour la périphérie, et loger des dizaines de milliers Bruxellois dont les revenus suffisent à peine à payer leurs loyers – le loyer moyen a augmenté de 20% depuis 2005 – en construisant notamment des logements publics à bas prix.

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4. Le pilotage du projet

En juillet 2014, la Région a désigné – en collaboration avec la commune de Schaerbeek et les deux entreprises de radio-télévision – une équipe d’urbanistes et d’architectes chargée de concevoir le nouveau quartier. L’équipe est constituée de l’Agence d’architecture et d’urbanisme François Leclercq (qui est chargée de diriger le projet), l’agence d’architecture BOB 361, l’agence paysagiste barcelonaise Espinas i Tarraso, le bureau de programmation média espagnol Natex, l’agence d’urbanisme BUUR et les bureaux d’études CITEC ingénieurs conseils (mobilité), Alphaville (programmation urbaine), Transsolar (développement durable) et Mageo Morel Associés (infrastructure).

“Cette désignation intervient suite à une consultation internationale lancée par l’Agence du Développement Territorial (ADT) qui agit au nom et pour le compte de la Région Bruxelles Capitale, la commune de Schaerbeek, la RTBF et la VRT. 14 équipes internationales ont répondu à l’appel à candidatures. 4 équipes ont été sélectionnées pour remettre une offre le 31 mars 2014. Les propositions des équipes ont été soumises à un comité d’avis réunissant les représentants de la maîtrise d’ouvrage, le maître architecte bruxellois, le Vlaams bouwmeester et des experts extérieurs (source)”.

Une « expert team » a également été chargée de soutenir les 4 maîtres d’ouvrage de mediapark.brussels, pendant l’élaboration du Masterplan (juillet 2014-juillet 2016) en leur offrant une expertise juridique, financière, immobilière et en management de projet. L’équipe est composée d’Egis Conseil (France), expert en management de grands projets urbains (notamment le Grand Lyon), EY (conseiller financier) et Publius (conseiller juridique).

 

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Par Mathieu

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