Commons Josaphat : un appel à idées pour une autre ville !

Auteur invité : Commons Josaphat

Commons Josaphat est une initiative citoyenne qui s’attache à étudier comment le principe des biens communs peut être une solution face aux problèmes auxquels notre ville, et la société en général, se retrouvent confrontés à l’heure actuelle. Commons Josaphat propose une réflexion concrète, en ciblant un terrain en friche autour de l’ancienne gare Josaphat, à cheval sur Schaerbeek et Evere. Nous voulons penser un nouveau quartier qui fonctionne selon les principes des biens communs. Raison pour laquelle nous lançons une appel à idées adressé à tous ceux qui ont envie d’y réfléchir avec nous. C’est collectivement que nous voudrions élaborer une proposition pour ce nouveau quartier, en donnant un espace à l’expérimentation porteuse d’espoirs. C’est parce qu’elle sera travaillée en commun que cette utopie deviendra réaliste.

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Les biens communs, c’est quoi ?

Le terme Anglais pour les biens communs, «Commons », servait à l’origine à désigner des terrains qui étaient utilisés par une communauté, par opposition à un individu, par exemple : un pré commun, où tous les paysans d’un village pouvaient laisser paître leurs bêtes. Cette notion existait et subsiste encore partout dans le monde. Dans certaines régions de Belgique, ce système de gestion commune de terrains a existait encore au début du siècle passé. Au fil de l’histoire, et particulièrement depuis l’avènement du capitalisme, ces terrains communs sont devenus de plus en plus privatisés. Les économistes ‘classiques’ diront que c’est une bonne chose : les propriétaires privés s’occupent mieux de leurs biens, disent-ils.

100 moutons dans le pré

Un exemple fort prisé est celui du pré à moutons. Imaginez un pré assez grand pour y laisser paître 100 moutons, partagé par 10 paysans. Si chacun d’entre eux y met 10 moutons, il n’y a pas de problème : il y a assez d’herbe pour tous les animaux. Mais si l’un des paysans ou plus y mettent plus de bêtes, les problèmes commencent, la prairie ne pouvant plus se régénérer à la vitesse de ce qui l’épuise. Au final, il n’y aura plus d’herbe. C’est ce qui appelé la Tragédie des Communs qui a été décrite par un Garett Hardin dans les années 60. Schématiquement, il en concluait que les ressources devraient être gérées soit par l’Etat, soit par des acteurs privés. L’Etat se retrouvant largement discrédité dans les décennies qui ont suivi, il reste la voie de la privaisation.

Photo : Phillip Capper (Creative Commons)

Photo : Phillip Capper
(Creative Commons)

Mais est-ce bien vrai ?

En 2009 la scientifique américaine Elinor Ostrom a reçu le Prix Nobel d’Economie pour son long travail de recherche sur la gestion les biens communs à travers le monde. Elle est arrivée à une conclusion qui remet en cause la Tragédie des communs en montrant qu’une gestion commune obtient dans certains cas d’excellents résultats voire meilleur que ceux obtenus par une gestion privée ou étatique. Comment cela est-il possible ? Tout d’abord, parce que nous ne sommes pas qu’individualistes, nous sommes aussi des êtres sociables, capables d’œuvrer ensemble en y trouvant du plaisir, capables de parler en semble. Les êtres humains sont conditionnés pour collaborer, ne fût-ce que par nécessité. Revenons un instant aux paysans et au pré. Le paysan qui veut faire paître plus de moutons dans le pré sait qu’il dépend de ses voisins, qu’un moment ou un autre il aura besoin de leur aide. Il réfléchira donc à deux fois avant d’aller contre l’intérêt de sa communauté. Les communautés qui gèrent ensemble des terres communes veilleront à ce qu’on soigne bien ces terrains. Leur vie et l’avenir de leurs enfants en dépend. Garett Hardin se trompait, il oubliait que les humains peuvent se parler et ensemble créer des règles qui leurs permettent d’agir en commun. Elinor Ostrom conclut que les communautés qui gèrent avec succès leurs biens communs utilisent toutes des principes semblables : elles s’accordent sur ce qui est permis ou pas ; elles créent des systèmes de médiation en cas de conflit et de sanctions en cas de de non-respect des accords ; chacun ne fait pas ce qu’il veut.

Des biens communs en tous genres

Lorsque nous parlons de biens communs aujourd’hui, nous ne parlons pas que des prés communs. Ils s’agit autant de ressources tangibles comme l’eau ou le sol que d’éléments virtuels tels les logiciels libres. Ce peut être un jardin communautaire, une monnaie locale, une voiture partagée, une société coopérative, etc.. D’une certaine manière on peut aussi considérer une langue comme bien commun, ou un espace public ou une recette de cuisine qu’on se passe. L’essentiel étant le principe du commun qui favorise un droit d’usage plutôt que le droit de propriété. Les communs permettent que ne soient pas appropriés l’inappropriable…

Les biens communs : une solution aux crises ?

Notre économie traverse une crise économique profonde, et sur le plan de l’écologie, les mauvaises nouvelles sont légions : épuisement des matières premières, réchauffement de la planète, net recul de la biodiversité, inégalités sociales grandissantes… Il est donc plus que temps de trouver des solutions fondamentales à tous ces problèmes. Et le principe du commun pourrait bien faire partie de ces solutions. Pour en revenir à notre pré et à moutons : force est aujourd’hui de constater que la manière dont le capitalisme considère les terres agricoles ne conduit absolument pas à une gestion prévoyante. L’industrie agroalimentaire, synonyme de monocultures et de pesticides, épuise les sols. Inversement, une gestion collective veille à ce que les propriétaires et gestionnaires communs fassent des choix qui bénéficient à l’ensemble de la communauté, aujourd’hui et demain. Nous assistons à la naissance d’alternatives prometteuses qui appliquent les principes des biens communs. Citons par exemple Terre-en-vue, une coopérative qui expérimente une nouvelle méthode de gestion des terres agricoles en Belgique francophone. Tous ceux qui partagent les principes de cette association peuvent y adhérer. Avec les sommes versées par les coopérants, l’association achète des terrains qu’elle met à la disposition de jeunes agriculteurs qui rencontrent aujourd’hui d’énormes difficultés à y avoir accès. En échange, ces agriculteurs s’engagent à les gérer de manière prévoyante. De son côté, la coopérative promet de ne pas spéculer sur ses biens. Dans certains cas, les coopérants peuvent également acheter des légumes bio provenant des terrains que possède l’association, voire les récolter de leurs propres mains.

Les biens communs en action

Des initiatives de ce type fleurissent aux quatre coins du pays. En Flandre, la coopérative Ecopower produit de l’électricité verte. Les habitants des communes où elle installe des éoliennes peuvent acheter des actions. En l’espace de quelques années, elle a attiré quelque 50.000 coopérants qui produisent et achètent leur propre énergie durable. À Bruxelles, des citoyens et des associations ont créé un Community Land Trust (CLT) avec l’appui de la Région. Le CLT construit des logements à un prix abordable pour les ménages à bas revenus sur les terrains appartenant à la Région. Les habitants, les riverains et le gouvernement gèrent le CLT ensemble. À Bruxelles toujours, la Zinneke Parade, un spectacle fantastique organisé tous les deux ans, est le fruit de l’imagination collective et de l’action de personnes et de groupements les plus divers. La ville voit éclore une multitude de projets : jardins collectifs, monnaies communautaires, projets de cohabitat, réflexion sur la gestion commune de l’eau et les bassins versants solidaires, hackerspaces où on travaille sur de nouveaux logiciels, etc.

Le principe du commun, fondation de la ville de demain

Malgré toutes ces initiatives porteuses d’espoir, la privatisation des ressources se poursuit à un rythme accéléré. Si nous voulons nous y opposer, nous devons veiller à renforcer les initiatives entreprises décentralisées. Pour ce faire, nous devons expérimenter. L’ambition de Commons Josaphat est d’occuper virtuellement ou non le terrain en friche qui entoure l’ancienne gare Josaphat, à la frontière entre Evere et Schaerbeek en imaginant collectivement ce que pourrait devenir un quartier élaboré sur le principe du commun.. Le choix de ce terrain n’est pas le fruit du hasard. Il s’agit en effet de la dernière grande réserve foncière de la Région de Bruxelles-Capitale. Elle s’étend sur 24 hectares, soit une superficie de plus de 32 terrains de football. Le gouvernement régional vient d’approuver en première lecture un schéma de développement qui trace le devenir de cette friche. C’est donc aujourd’hui que se décide l’avenir. Par conséquent, réfléchir sur ce site s’avère bien plus qu’un simple exercice théorique. Nous espérons pouvoir exercer une influence réelle sur le destin de la friche, dans l’espoir qu’elle puisse de venir un quartier en commun. En outre, nous espérons que ce nouveau quartier accueillera une diversité de nouvelles formes de gestion mais aussi qu’il restera accessible à l’ensemble des Bruxellois, à commencer par ceux qui ne trouvent pas à se loger ailleurs en raison des prix. Mais avec Commons Josaphat, il s’agit aussi de créer un vrai débat sur les communs en ville…

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L’Appel à idées

Pour préparer ce plan alternatif, nous avons besoin de vous. Nous lançons donc un Appel à idées. Cet appel s’adresse à toutes les personnes qui croient en notre projet : tout citoyen, qu’il soit professionnel de la ville ou pas, associations et individus, habitants du quartier et d’ailleurs, citoyens du monde entier, etc. Nous avons besoin de vos idées sur le développement urbanistique du terrain, sur les bâtiments qui y seront construits, sur l’aménagement de l’espace public, mais aussi sur l’organisation des activités qui s’y exerceront : enseignement, commerce, travail, détente, cafés et restaurants, entretien et nettoyage du quartier, sport, promenade des chiens, etc. Faites-nous part de vos idées, qu’elles concernent l’ensemble du quartier ou de petits idées à petite échelle : un jeu, une maison de quartier, un mobilier urbain. Donnez-nous votre avis sur les éléments matériels mais aussi immatériels : organisation du processus de décision, gestion de la nature sur le site, etc. Une seule chose importe : toute personne soumettant une idée doit démontrer son lien avec les principes des biens communs. Vous pouvez donc nous proposer une recette pour cuire le pain, un projet de four à pain collectif, le plan d’un bâtiment qui abritera ce four, un projet pour la place sur laquelle se dressera ce bâtiment ou une idée sur la manière dont ce four devra être géré.

Deux phases

Au cours de la première phase, de mai à juin 2014, tout un chacun peut soumettre ses premières idées. Grandes ou petites, esquisse ou projet détaillé, toutes les contributions sont les bienvenues ! La présentation peut prendre toutes les formes imaginables : dessin, plan, maquette, collage, texte, vidéo, etc. Les résultats seront exposés du jeudi 26 au dimanche 29 juin à l’occasion de notre « Grand Bazar ». Tout le monde pourra y découvrir les idées qui auront été proposées. La présentation sera suivie d’un débat au cours duquel les personnes qui auront soumis des idées pourront faire connaissance et discuter. Notre Appel à idées n’est pas un concours. Il n’y aura ni gagnants ni perdants. Notre objectif est de faire collaborer le plus grand nombre possible de personnes. Nous sommes convaincus que cette démarche donnera les résultats les plus intéressants. Nous nous efforcerons de mettre les personnes en contact afin que de nouvelles équipes puissent être composées en vue de la deuxième phase. Dans une deuxième phase, les idées doivent être affinées pour arriver aux propositions les plus abouties possible. Il faudra en effet produire une série de propositions crédibles pour redéployer une friche dans la perspective de la construction d’une ville en bien commun. Cette deuxième phase durera jusque fin octobre 2014. Elle se clôturera également par une exposition, qui se tiendra fin novembre. Le 26 novembre, un jury public s’efforcera de formuler un projet global pour le site Josaphat en s’inspirant de toutes les propositions. De tous ces projets, nous extrairons également des recommandations concernant la manière de développer les biens communs dans la ville. Forts de ce bagage, nous nous tournerons alors vers les autorités responsables. Dans l’intervalle, nous organiserons régulièrement des débats et des rencontres afin d’approfondir ensemble cette idée de biens communs.

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Que voulons-nous atteindre ?

Nous souhaitons que le projet, fruit de ce processus collectif, influence l’avenir du site Josaphat. Nous pensons que cette dernière grande réserve foncière de la Région de Bruxelles-Capitale puisse devenir un quartier en bien commun, un lieu d’expérimentation pour de nouvelles formes de gestion de la ville, un quartier ouvert à tous, y compris à ceux qui ne trouvent pas leur place ailleurs dans la ville. Avec cet exercice, il s’agit aussi de mener un débat dans la ville sur la question des communs et de pousser les décideurs à s’interroger sur une nouvelle manière de « faire la ville ». Nous espérons que cette démarche produira une nouvelle manière de voir et une nouvelle méthode de travail pour produire la ville. Nous espérons que les personnes et les groupes qui adhèrent au concept des biens communs apprennent à se connaître, partagent leurs expériences, multiplient les collaborations, forment un mouvement.

Participez !

Info : commonsjosaphat.wordpress.com

 

Comments

  1. Abbeyfield est une asbl qui développe et soutient des Habitats groupés pour aînés. Nos deux maisons actuelles à BX snt pleines et nous souhaitons en ouvrir de nouvelles.à Bx en CLT si possible. Nous collaborerions volontiers à Votre projet Josaphat

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