La friche Josaphat : ZAD & ZIR

Dans nos zones agricoles, les populations d’oiseaux ont diminué d’un tiers en ce début de XXIème siècle. Car, les insectes qui constituent la base de leur alimentation disparaissent également, victimes de l’épandage de pesticides. En bordure des grandes villes, les friches apparaissent comme des zones refuges pour cette faune. Seulement, voilà …
En RBC, ces zones à défendre sont aussi des zones d’intérêt régional (ZIR), que le gouvernement bruxellois s’empresse d’urbaniser ; principalement pour satisfaire une demande de logements « aux prix du marché ». En choisissant de construire sur ces espaces naturels – plutôt que de réhabiliter le bâti inoccupé –  on est en train de faire de Bruxelles non pas une « ville accessible à tous » … mais un désert social barbouillé de vert.
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Une de ces friches menacées se trouve à la limite entre Schaerbeek et Evere (ZIR n°13). Il s’agit de la Friche Josaphat : un terrain  public que le gouvernement bruxellois prévoit de privatiser largement (PPP) et où il s’apprête à faire construire 1600 unités de logements ; beaucoup de « haut standing », un peu de logement public « moyen » et une part résiduelle de logement social. Bref, la majeure partie du terrain serait sacrifiée pour une tranche de la population dont on ne peut pas dire qu’elle ait des difficultés à se loger.
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Présentation du projet « Quartier Josaphat » (site: www.josaphat.brussels)

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Ce choix en faveur des « minorités aisées » de la capitale s’explique en partie par le fait que la Société d’Aménagement Urbain (SAU) en charge du projet n’a pas de mission d’intérêt public au sens large, mais plutôt une mission d’intérêt public « économique » (comme indiqué dans ses statuts) qu’elle poursuit sur base de principes de fonctionnement hybrides, à mi-chemin entre le « management privé » et la « culture de cabinet ».
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Ce n’est donc pas une surprise si – jusqu’à aujourd’hui – la plupart des biens qui ont été réhabilités par cette structure l’aient été qu’au profit de classes moyennes-sup’ : l’Hippodrome (bientôt reconverti en espace de loisirs), Delta (reconverti en clinique privée) et la Gare de l’Ouest (qui accueillera des logements pour classes moyennes) …
Comme les projets « Delta », « Gare de l’Ouest », « Hippodrome » – pensés sous le seul angle de « l’attractivité urbaine » (entendez, « attraction des capitaux ») – le projet du « Quartier Josaphat » contribuerait à appauvrir la diversité sociale de cette ville (devenue impayable pour les petits revenus), mais aussi à accélérer l’effondrement de la biodiversité en ville. Sur le dossier « Josaphat », le gouvernement bruxellois jure qu’il a retenu les erreurs du passé et qu’il fera la maximum pour conserver une forme de biodiversité le long des voies ferrées.
 

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Pour nous aider à comprendre ce qu’on y perdra au change, des naturalistes sont occupés à tenir une comptabilité précise des espèces de plantes, d’insectes et d’oiseaux que le projet « Quartier Josaphat«  pourrait faire disparaître. Ils sillonnent le terrain, depuis plus de quatre ans. 
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En 2014 – avant que le site ne soit recouvert d’une épaisse couche de remblai  – ils avaient déjà recensé de nombreuses variétés d’insectes et de plantes sur le terrain. A partir de 2015 – et la fin des travaux de remblayage – il aura fallu du temps pour que le nature y regagne ses droits. Mais, voilà, au bout de quelques années, on relève à nouveau le présence d’une foule d’espèces d’insectes et 99 espèces d’oiseaux, dont plusieurs sont en grave déclin (sérins, fauvettes, mésanges…). Le site Josaphat est donc devenu une des principales réserves de biodiversité de la capitale.
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Je vous laisse faire le calcul : d’un côté, on a des immeubles de bureau abandonnés qui sont sont une ressource ultra-abondante, convertible en logements sans conséquence irréversible. De l’autre : des friches, qui sont des ressources rares, uniques, urbanisables au prix de dégâts irréversibles. On choisit quoi?
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Photos de la Friche Josaphat : Observations.be

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