« Stop au béton » en région bruxelloise ?

Mettre en pause la bétonisation des terres à Bruxelles ? Ce n’est pas la demande d’un groupe écologiste radical… mais celle de Kristiaan Borret, le Bouwmeester bruxellois .

« A Bruxelles – souligne-t-il – les 10 dernières années ont été dominées par la croissance démographique. La densification a clairement été poussée à son paroxysme. Les 10 prochaines années doivent par contre être dominées par le réchauffement climatique et la transition écologique. La densification du territoire doit être mise en pause pour se concentrer sur la végétalisation de la ville. Bruxelles doit entrer dans une nouvelle ère. Il faut la laisser respirer.  » (Trends, 16 sept. 2019)

Cette prise de conscience intervient à un moment-charnière dans l’évolution de la politique bruxelloise d’aménagement urbain. Comme vous le savez peut-être, une dizaine de grands projets urbanistiques ont été mis sur la table en 2018 (PAD, Plans d’Aménagement Directeurs), à la suite de la réforme du code de l’urbanisme (CoBAT), et certains d’entre eux – comme le projet d’urbanisation de la friche Josaphat – passent aujourd’hui à l’enquête publique.

Plusieurs arguments sont aujourd’hui évoqués au sein de la société civile bruxelloise pour demander – au minimum – une mise en suspens de certains PAD. Ici, je n’en citerais que deux …

(1) L’ARGUMENT DE L’EFFONDREMENT ÉCOLOGIQUE

Certains « grands projets » de la Région (notamment Josaphat et Heysel) entrent en profonde dissonance avec la politique écologique et climatique que semble vouloir adopter le gouvernement. Être prêt à déclarer « l’état d’urgence climatique » devant les caméras, tout en laissant bétonner une vingtaine d’hectares de nature à haute valeur écologique, ça fait mauvaise impression. Et, au-delà de la mauvaise publicité que cela peut générer, cela place également la Région dans une situation délicate : d’un côté on annonce à que Bruxelles s’engage à devenir une ville résiliente (dans les années 2020), et de l’autre on s’apprête à fragiliser très fortement le fameux « maillage vert bruxellois », en détruisant des espaces uniques et irremplaçables, comme le Keelbeek ou le plateau du Heysel.

Photo de la friche (crédit photo : Laurent Dennemont)


(2) L’ARGUMENT DU « DÉSÉQUILIBRE DES POUVOIRS »

Il y a aussi une question démocratique – d’équilibre des pouvoirs et de bonne gestion des affaires publiques – qui devrait retenir notre attention. Ces 10 dernières années, avec les multiples révisions et la réforme de code d’aménagement du territoire, le gouvernement a facilité la mise en oeuvre de projets (comme Rudi Vervoort aime souvent à le rappeler), mais cela été fait au prix d’un affaiblissement des contre-pouvoirs … ceux-là même qui avaient été mis en place pour établir un équilibre entre la puissance des promoteurs privés, la puissance publique et les citoyen.

La Commission Royale de Monuments et des Sites (CRMS) – qui veille au respect des règles de protection du patrimoine et a le pouvoir de faire capoter un projet – a bien sûr été la première visée. Le gouvernement n’a en effet eu de cesse, ces 10 dernières années, de chercher à diminuer sa neutralité et son pouvoir d’influence ; comme ce fut le cas lors de la tentative (échouée) de suppression de l’avis conforme CRMS, en 2017.

Pour comprendre la cause de cette obsession bruxelloise pour l’assouplissement des règles de protection du patrimoine, il n’est pas inintéressant d’observer l’ entourage du ministre-président. La cheffe de cabinet adjointe de Vervoort (voir : Cabinet Vervoort) est l’ancienne avocate d’AvH, le promoteur de Tour & Taxis. C’est-à-dire que pour aider le gouvernement à défendre l’intérêt général (la défense du « patrimoine pour tous ») le ministre-président a jugé opportun de s’entourer d’un des artisans de la privatisation totale d’un bien public bruxellois. No comment …

CONCLUSION

Ces deux arguments suffisent, je crois, à justifier une « mise en pause » des PAD, le temps de ré-établir un vrai équilibre des pouvoirs (entre citoyens, administration publique et promoteurs) ; un nouvel équilibre qui sera peut-être ensuite susceptible de faire naître – ici à Bruxelles – des projets urbanistiques de qualité, en phase avec les enjeux du 21ème siècle.

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Texte : M. Simonson


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