STIB, peurs et tremblements

L’avenue Rogier est empruntée chaque jour par des centaines de trams et de bus et des milliers voitures individuelles. Mais, c’est aussi un lieu de vie et une avenue bordée de vieux immeubles qui n’ont pas forcément été conçus pour supporter ce trafic et les nuisances qui l’accompagnent. Ces trois dernières années, diverses plaintes ont été introduites auprès de la STIB par des habitants de l’avenue Rogier, lesquels pointent du doigt le manque de coordination entre les chantiers, le choix du revêtement des bandes de tram et de bus, ou encore les nuisances engendrées par la mise en circulation des trams T2000.

1. Lefrancq : rencontre avec Abdel

La rue Rogier est une petite rue en pente qui fait à peine douze mètres de large, et où les trams 25 et 62 prennent un virage à 120°. A l’arrêt Lefrancq, en amont de la rue Rogier, la vitesse des trams est censée ne jamais dépasser les 15 km/h. « En réalité, les conducteurs ne respectent pas toujours la limitation. La STIB fait un peu ce qu’elle veut » lance Abdel, responsable d’un commerce qui fait le coin avec la rue des Palais. “Avant, les verres tremblaient à chaque passage. C’est mieux depuis qu’ils ont mis le nouveau revêtement ». « Je finis par m’habituer ». Et pour cause : c’est son lieu de travail et non son domicile. Pour les personnes qui vivent aux étages, là, c’est plus compliqué.

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2. Coteaux : rencontre avec Stéphanie

Sur l’avenue Rogier – entre la chaussée d’Haecht et la rue des Coteaux – la STIB a également cherché à réduire les nuisances provoquées par les lignes de trams et de bus, en remplaçant le revêtement du terre-plein central. Les pavés bordant les rails du tram ne formant pas une surface plane, les bus empruntant le terre-plein à partir de Robiano propageaient de fortes vibrations dans les bâtiments de l’avenue Rogier. Résultats : nuisances sonores, dégradations, fissures en tous genre, etc.

Fin 2014 : les travaux d’asphaltage se concentrent sur un premier tronçon ; celui qui relie la chaussée d’Haecht à la rue des Coteaux. Mais, le chantier – qui était censé se poursuivre au premier trimestre 2015 – a soudainement été interrompu, suspendu, sans explications de la part de la société de transports publics. En mars 2015, les riverains apprennent que les travaux d’asphaltage ont été reportés à l’été 2016, soit plus d’un an et demi après le début du chantier, et cela à cause du démarrage d’un autre chantier sur la rue des Coteaux.

“L’avenue Rogier est une voie de circulation très engorgée de la Commune de Schaerbeek, en particulier sur le tronçon allant de la chaussée d’Haecht à l’avenue Deschanel. Deux lignes de tram et deux lignes de bus l’empruntent quotidiennement à des cadences effrénées et les conducteurs de voitures personnelles ne se gênent pas pour adapter les règles de la circulation à leur propre appréciation”. – Stéphanie (habitante de l’avenue Rogier)

Un collectif d’habitants s’est alors créé pour demander au Service Mobilité de la commune de Schaerbeek une révision du planning et la reprise du chantier. En réponse aux préoccupations des riverains, le service mobilité de la commune annonce aujourd’hui son intention de « discuter avec les différents partenaires” pour envisager la possibilité d’un avancement les travaux à novembre 2015. Le collectif d’habitants a récemment demandé de procéder à une intervention citoyenne au conseil communal du mercredi 24 juin pour faire entendre leurs arguments.

« Contrairement à l’idée reçue que chacun y vit chez soi et pour soi, la pétition montre que les citoyens n’hésitent pas à se mobiliser pour une cause commune. [Je] n’a[i] pas eu à convaincre les voisins avec de longs discours, dès qu’ils entendaient le mot ‘vibrations,’ ils signaient de bon coeur la pétition et commençaient à raconter leurs propres expériences, comme cette femme qui habite au dernier étage d’un immeuble dont les bâtiments mitoyens ne sont pas aussi élevés que le sien et qui ressent donc les vibrations comme démultipliées dans son appartement isolé; ou encore ce tenancier de lavomatic qui explique que la circulation non régulée des bus et des voitures individuelles engendre beaucoup trop de désagréments. Les riverains proposaient même des idées constructives pour une meilleure mobilité sur l’avenue: une habitante suggérait par exemple d’installer un radar pour réguler la vitesse du trafic ». (Stéphanie, habitante de l’avenue Rogier)

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3. Bienfaiteurs : rencontre avec Rachida

Quelques centaines de mètres plus haut – au niveau de la place de Bienfaiteurs – des riverains se plaignent enfin des vibrations provoquées par le passage des trams T2000 qui roulent sur le ligne 62. Au numéro 19 de la place, même configuration qu’à l’arrêt Lefrancq : rue en pente avec virage. J’y fais le rencontre de Rachida, une commerçante qui m’explique que lorsque les T2000 prennent leur virage, les vibrations se ressentent à tous les étages de l’immeuble, surtout au étage inférieurs. Au rez-de-chaussée – où se trouve le café « Bloem » – les verres tremblent à chaque fois …

« Il y a une différence entre le 62 et le 25. Surtout quand le tram descend. Avant d’arriver au rond-point, ça vibre, ça tremble, comme s’il y avait un tremblement de terre (…) On a habité quelques temps ici [à l’étage], et c’était impossible de dormir. A cinq heures du matin, déjà, ça commençait » (Rachida, commerçante de la place des Bienfaiteurs)

 

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4. Meiser : rencontre avec Frederik

Quelques jours après avoir emménagé en amont de l’avenue Rogier, à proximité de la place Meiser, Frederik se fait réveiller chaque matin par des vibrations et des nuisances sonores dépassant les 55 décibels. C’est à nouveau le frottement de roues des trams T2000 sur les rails de l’avenue Rogier qui est en cause. Fin 2012, il participe à la mise en place d’un groupe de riverains, victimes des nuisances du tram T2000. Le problème – insiste Frederik – c’est que la STIB s’entête à faire rouler ces trams dans des rues étroites. Cela a également des conséquences sur le bâti : des fissures apparaissent sur les murs de certains immeubles, comme celui de Michelle, au croisement de l’avenue Rogier et de l’Avenue Ernest Cambier.

“Au moment de l’achat, la STIB savait que [le T2000] était un tram qui allait causer des nuisances sonores et des vibrations. Il savaient que cela pouvait poser problème et qu’ils ne pourraient pas le faire circuler dans des rues étroites (…). Mais, au fur et à mesure, ils ont quand même essayé”. (Frederik, habitant de l’avenue Rogier)

En 2013, le collectif de riverains – soutenu par l’administration communale de Schaerbeek – obtient gain de cause auprès du conseil d’Etat ; ce qui oblige la STIB à poser un “matelas anti-bruit”, en 2014, sur le tronçon qui relie le boulevard Wahis à l’avenue Rogier. Aujourd’hui, les nuisances sont moindres sur la fameuse ligne 62, même si les T2000 y circulent toujours …

 

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par Mathieu

 

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