Les potagers sur toits à Bruxelles

Il faut pas nécessairement faire de gros investissements financiers pour lancer un potager sur toit. La preuve : Jean-François en a fabriqué un avec son fils, à partir de matériaux de récup’. Cela ne lui a coûté que 90 euros. Rares sont cependant les citoyen(nes) bruxellois(es) qui se sont lancés dans l’aventure. Nous en avons interviewé trois.

1. Jean-François Gheysen : le « petit peuple des toits »

Oui, on peut se créer un coin de paradis, à Bruxelles, à petit prix, lorsqu’on n’a ni terrasse, ni jardin. La preuve se trouve dans le bas de Saint-Gilles, où Jean-François – locataire d’un appartement, avenue du Roi – a eu l’idée de transformer le toit de son immeuble en « petit peuple des toits« . Coût de l’opération : 90 EUR. « Ce petit projet agricole urbain, éducatif et très productif malgré sa petite taille a été démarré pour faire comprendre à mon fils de neuf ans que certains actes que la société de consommation nous présente comme des merveilles absolues pouvaient être réalisés par soi-même, avec un petit peu de passion et … beaucoup moins d’argent. Et on peut manger le résultat ! » (Le Petit Peuple des Toits).

Sur ses nonante mètres carrés de toiture, le potager du « petit peuple des toits » fait pousser entre autres de la bourrache blanche et bleue, de la sauge, de la menthe, des groseilles, des framboises, des fraisiers et, enfin, de l’ail ; qui donne aux fraisiers un feuillage plus abondant et des fraises plus grosses…

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2. Filippo Dattola : le toit de la KBR (1000 BXL)

Le programme « Potage-toit » offre aux Bruxellois(es) des outils et des conseils leur permettant – s’ils le souhaitent – de lancer un potager sur un coin de toiture. J’ai rendez-vous avec Filippo, le responsable du projet, au square Square Gérard Van Caulaert. A l’adresse indiquée, je m’attends à trouver des bureaux. Rien de tout cela : juste un ensemble de logements du Foyer Saint-Gillois. A main gauche, j’aperçois une grille, que je franchis. Et, là, je découvre, étonné, un grand jardin équipé de deux serres. Un jeune homme barbu, souriant, bonnet en laine vissé sur la tête, s’avance vers moi. C’est Filippo. Il m’explique l’histoire de ce lieu, et celle – antérieure – du potager sur le toit de la KBR.

« On a tendance à parler beaucoup de « développement durable », de plein de choses, mais concrètement, quand on va voir les projets qui existent, il n’y a pas grand chose. (…) J’ai arrêté de parler. Et j’ai commencé à me lancer dans le projet. Donc, le projet de la bibliothèque c’était ça : montrer avec un exemple, à partir d’un espace public, ce qu’on peut faire ».

potager-kbr

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Le potager situé sur le toit de la Bibliothèque Royale – mis en place grâce à Filippo au printemps 2012 – est composé de citernes d’eau de pluie reliées à un système d’irrigation, lui-même connecté à une série de conteneurs rectangulaires et de sacs en géotextile. Ces derniers ont pour avantage d’être robustes, peu coûteux, facilement transportables et de fortifier les racines en laissant passer l’air et l’eau à travers les parois. A la belle saison, les plantes du potager – laitue, mesclin, tomates, carottes, petits oignons, radis, roquette, persil, aromates, concombres, haricots, épinards, courgettes, aubergines, poivrons, céléri et bettes – occupent un peu moins du tiers de la surface disponible sur cette toiture de la KBR : 100m2 sur les 350m2 disponibles. Sur ce toit, se trouvent également un hôtel à insectes, une serre géo-dôme, qui fait office de pépinière et un système de compostage.

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3. Anne-Marie : un toit du parking (1000 BXL)

Un bâtiment impersonnel à deux pas de la place Saint-Catherine : la façade sans charme de cet immeuble ne laisse en rien présager qui se trouve aux étages. J’ai rendez-vous chez Anne-Marie – une des habitantes de l’immeuble – qui a gentiment accepté de m’accorder une interview au sujet de son magnifique potager. Il y a 3 ans, cette artiste passionnée d’écologie et d’apiculture a pris la résolution de créer, sur son toit, une ferme urbaine : entre 2012 et aujourd’hui, elle y a construit une serre, y a fait pousser des arbres fruitiers et y a disposé 54 conteneurs de 125x125cm ; dans lesquels elle fait aujourd’hui pousser toutes sortes de plantes, notamment les plantes mellifères nécessaires à son rucher :

  • plantes grimpantes (Hedera helix, Rosa Canina, Rubus fruticosus, Lycium barbarum …),
  • arbres (Tetradium daniellii, Vitex agnus-castus, Sambucus nigra, Hippophae rhamnoides, Viburnum opulus, Ribes nigrum, Rubus idaeus ….)
  • fleurs sauvages (Dipsacus fullonum, Cynara cardunculus, Foeniculum vulgare, Echinops ritro, Helianthus annuus, Achillea millefolium, Althaea officinalis, Carthamus tinctorius)
  • herbes (Angelica archangelica, Anthriscus cerefolium, Echium vulgare, Myrrhis odorata, Phacelia tanacetifolia, Porophyllum ruderale, Chenopodium bonus-henricus, Crithmum maritimum...)
  • légumes (tomates, aubergines, courgettes, concombre, poivrons, épinards, maïs, betterave rouge, potirons, chous..)

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« Je kunt niet grondwater pakken of een put maken. Je moet wel water recupereren van de daken. Dat kan allemaal. Maar, je moet dat ook stokkeren. Water is enorm zwaar, dus, daar moet je dat ook er rekening mee houden. Het is echt toch niet zo evident, vind ik … Zeker niet als je zit met een dak dat niet geconstrueerd is. Maar, ik denk wel dat er voor de toekomst een enorme mogelijkheid is voor groendaken als dat van in het begin ingecalculeerd is bij de creatie van het gebouw » (Interview, jan. 2015)

Dans le cadre de l’association d’artistes Okno vzw (opengreenconnected), Anne-Marie a également lancé un potager sur le toit de l’immeuble situé au numéro 34 du quai des charbonnage, dans la commune de Molenbeek-Saint-Jean, le long du canal.  Elle ne cherche pas seulement à mettre en place de toitures vertes mais également à développer des réseaux, des corridors écologiques, parsemés de plantes mellifères et des ruchers.

« Okno est une petite ASBL, qui promeut le développement de médias alternatifs mais surtout une réelle révolution artistique et écologique du monde qui nous entoure. Elle possède un potager sur toit de 150m² au 34, quai du charbonnage. Une ruche et un système de récupération d’eau y sont installés. Différentes plantes y poussent tels que des haricots, des plantes aromatiques, plusieurs tournesols, courgettes … » Plus d’informations sur: okno.be« .

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4. Un toit à toi ?

Les autorités régionales annoncent – depuis le début de l’année 2012 – un ambitieux programme développement des potagers sur toit. Trois ans plus tard, force est de reconnaître que Bruxelles ne compte encore que très peu de projets de moyenne ou de grande envergure (plus de 100m2). Quant au projet de construction d’une ferme urbaine sur les toits des abattoirs de Cureghem : son lancement était prévu pour le printemps 2014, mais a pris un peu de retard …

Note positive : de petits projets citoyens voient le jour, lentement mais sûrement, avec ou parfois sans le soutien de la région. Depuis son lancement, le programme « potage-toit » de l’ASBL « le début des haricots » a par exemple soutenu le développement de 47 projets. J’ai demandé à Jean-François, Filippo et Anne-Marie quelle était la marche à suivre pour ceux et celles qui – comme moi – n’ont pas accès à une toiture mais souhaitent tout de même compléter la liste. Ils m’ont suggéré de …

  • Trouver le lieu adéquat : un toit plat avec un revêtement étanche, une portance suffisante, une bonne exposition, de bonnes voies d’accès, des gouttières qui pour collecter l’eau de pluie, des tuyaux d’évacuation, des rambardes… Certains toits de grande envergure pourraient réunir ces conditions : comme celui de la bibliothèque du Solbosch (ULB) et et celui du Parking 58, propriété d’Interparking.
  • Faire le nécessaire pour obtenir l’accord du propriétaire des lieux. J’ai constaté que le gens d’Interparking ne sont pas très réceptifs aux joies du jardinage ; c’est donc au porteur du projet de s’adapter au langage bucolique du propriétaire des lieux : « business model », « barrières », « marketing », « retour sur investissement ». Dialogue compliqué, mais pas impossible. La preuve : Anne-Marie est parvenu à convaincre la co-propriété d’un parking Q-Park.
  • Préparer des conteneurs, qu’on peut par exemple fabriquer à partir de vielles palettes. A défaut de conteneurs, soulignent Filippo et Jean-François, il existe enfin une solution pratique, légère, solide et bon marché : les pots en géo-textile.

Marche à suivre : (1) se munir d’une aiguille, d’un fil de pêche et de tissu géotextile, (2) couper des rectangles de 30x60cm (pour les cultures de plantes à racines courtes) ou 50x100cm (pour les plantes à racines longues), (3) couper des disques de 9,6 ou 15,9 cm de diamètre en fonction de la taille du pot (longueur du rectangle/π), (4) former des cylindres avec les surfaces rectangulaires, (5) coudre le disque à une des deux extrémités du cylindre, (6) retrousser le haut du sac géotextile. (source)

  • Préparer le substrat (min. 30-50cm). II y a plusieurs méthodes de préparation de substrat. Celle qu’a choisie Jean-François est la suivante : un mélange de  60% de terre argileuse, de 20% de compost (ou de fumier de champignonnière) et de 20% de terreau et de sable. A ceci, il rajoute généralement des copeaux de bois en surface, pour équilibrer le carbone et l’azote et pour garder l’humidité. Enfin, mettre en place le système de récupération de l’eau de pluie et d’irrigation.. puis, semer au moment adéquat, en veillant à trouver les bonnes associations entre plantes.
anne-marie_maes_companion_planting

Schéma de compagnonnage végétal (voir : annemariemaes.net)

 

Pour aller plus loin …

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Par Mathieu

Comments

  1. EVRARD Christiane

    Bonjour,
    Tout d’abord, meilleurs voeux pour 2916!
    Nous sommes un groupe d’amies très intéressées par les jardins. Cette année, nous aimerions voir de près certains projets urbains de type « potager sur les toits », et dans ce cadre la visite du jardin d’Annemie Maes nous intéresse tout particulièrement.
    Pourriez-vous me dire s’il serait possible de prévoir cette visite en septembre, et donc comment vous rencontrer pour préparer ce projet?
    Merci d’avance.
    Christiane

    • dewey Author

      Bonsoir Christiane, je peux vous envoyer le contact de A. Maes par mail.
      En ce qui concerne les jardins partagés, sachez qu’on a lancé un potager hors-sol sur le site Josaphat
      à Schaerbeek 🙂 http://latinis.wordpress. Vous y êtes les bienvenues. On s’y retrouve tous les dimanches à 13 h.

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