Les statues de Josaphat (I) : Albert Giraud

En me baladant dans le parc Josaphat l’autre jour, je me suis fait la réflexion que – à l’exception d’Emile Verhaeren – je ne connaissais aucun des personnages qui y étaient représentés en statue : Philippe Baucq, Oswald Poreau, Nestor de Tière, Hubert Krains, Albert Giraud ne sont pour moi que de sinistres inconnus. Je dois sérieusement manquer de culture générale :-/. Vu que j’imagine ne pas être le seul à ne pas savoir de qui il s’agit, je propose vous faire partager, chaque semaine, l’histoire d’un de ces « inconnus ». Cette semaine, je parlerai d’Albert Giraud (1860-1929), un poète symboliste belge d’expression française.

DSC_3458

DSC_3457

 

« De son vrai nom Émile Albert Kayenberg, Albert Giraud naît le 23 juin 1860, à Louvain, dans une famille de commerçants. Son père meurt alors qu’il est encore enfant, et il est élevé par sa mère et sa tante. Il se révèle sensible, émotif et solitaire. Après des études dans un collège de sa ville natale, le jeune homme songe à s’inscrire au conservatoire; il a en effet acquis une grande maîtrise technique du piano et la musique l’attire.

Le futur écrivain y renonce pour suivre les cours de la Faculté de philosophie et lettres de l’Université de Louvain, où il fait la connaissance notamment d’Iwan Gilkin, d’Émile Verhaeren et d’Émile Van Arenbergh. Il participe aux groupes culturels estudiantins : La Société de l’émulation et La Société littéraire, y prononce des discours appréciés et commence à écrire en prose et en vers. Dans ce dernier domaine, il reconnaîtra souvent sa dette envers Van Arenbergh, qui corrigeait volontiers les poèmes de ses amis, pour leur donner une forme parfaite. À regret, il émigre dans la capitale, en raison des difficultés financières de sa famille. Entré à l’Université de Bruxelles, il doit arrêter ses études quelques mois plus tard. Pour faire vivre les siens, il se lance dans une carrière journalistique.

Dès 1881, Kayenberg fait partie de l’équipe de La Jeune Belgique. (…) [A] la fin de la même année, il signe un conte du nom qui sera désormais le sien dans le milieu des lettres : Albert Giraud. Si ses qualités de critique sont vite reconnues, ses hésitations entre prose et poésie révèlent un auteur qui cherche sa voie. Sa première publication, Le Scribe, en 1883, est un recueil de contes qui n’est pas très bien accueilli. Giraud est conscient de ses faiblesses, et c’est désormais à la poésie qu’il consacrera son potentiel créateur ». http://www.arllfb.be/composition/membres/giraud.html

Sa carrière artistique ne commence réellement qu’en 1884, avec la parution du Pierrot Lunaire. Il y défend une conception de l’art qui exclut toute influence sociale ou religieuse : c’est l’art pour l’art. On y retrouve l’influence de Verlaine et de la commedia dell’arte. En 1912, le compositeur atonal Arnold Schoenberg se servira, dans l’une de ses œuvres, de la traduction allemande du Pierrot Lunaire. Je vous laisse avec deux extraits …

COUCHER DE SOLEIL

Le Soleil s’est ouvert les veines
Sur un lit de nuages roux :
Son sang, par la bouche des trous,
S’éjacule en rouges fontaines.

Les rameaux convulsifs des chênes
Flagellent les horizons fous :
Le Soleil s’est ouvert les veines
Sur un lit de nuages roux.

Comme, après les hontes romaines
Un débauché plein de dégoûts
Laissant jusqu’aux sales égouts
Saigner ses artères malsaines,
Le Soleil s’est ouvert les veines !

ABSINTHE

Dans une immense mer d’absinthe,
Je découvre des pays soûls,
Aux ciels capricieux et fous
Comme un désir de femme enceinte.

La capiteuse vague tinte
Des rythmes verdâtres et doux :
Dans une immense mer d’absinthe,
Je découvre des pays soûls.

Mais soudain ma barque est étreinte
Par des poulpes visqueux et mous :
Au milieu d’un gluant remous
Je disparais, sans une plainte,
Dans une immense mer d’absinthe.

Pingbacks

  1. Les statues de Josaphat (VII) : Verhaeren | I love Meiser

Leave a Reply